Femmes d'Écosse
Traduit par Nicolas Frebillot
Résumé du livre
"Femmes d'Écosse" vous invite à un voyage temporel à la rencontre de femmes qui ont marqué l'histoire de leur pays, des modestes aux éminentes. Qu'elles soient pêcheuses, guerrières, écrivaines, jacobites, martyres ou ouvrières, ces Écossaises ont joué des rôles cruciaux dans les événements majeurs de l'Écosse. Ce livre célèbre leur influence inestimable, rappelant que l'Écosse ne serait pas ce qu'elle est sans elles. Plongez dans cette épopée fascinante à travers les âges, de l'obscurité des temps anciens jusqu'au XXIe siècle, pour découvrir la véritable force motrice de cette nation dynamique.
Extrait de xxx Femmes d'Écosse
Les ombres des deux amants dansaient grossièrement sur le mur de la chambre, leurs silhouettes géantes projetées au mur s’étendant jusqu’à la moitié du plafond. Sur la table de chevet à côté du lit, un radioréveil beuglait un classique des Rolling Stones, Sympathy for the Devil. Et là, sur le lit, sous une femme dix ans plus jeune que lui, se trouvait Jack Garner. La femme le chevauchait, les mains posées contre son torse, se déhanchant en rythme avec la musique.
Jack détourna la tête pour regarder le réveil.
L’écran numérique affichait 20:30 en bleu. Il sourit.
On a tout le temps, pensa-t-il.
La jeune femme ne fut pas ravie par sa distraction. Elle déplaça les mains pour retourner la tête de Jack vers la sienne, lui lançant un regard furieux. D’un mouvement fluide, elle roula en poussant Jack au-dessus d’elle et, les bras serpentant derrière sa nuque, le força contre son corps nu. Roulant à nouveau, elle revint au-dessus, le chevauchant une fois de plus, et l’embrassa profondément.
À l’extérieur de la fenêtre de la chambre, le crépuscule tombait sur la petite communauté côtière de San Roque. Comme toutes les autres stations balnéaires de Californie, les devantures des magasins typiques bordaient la promenade sur la plage, appelée Front Street. Les cafés, qui étaient bien plus fréquentés durant la saison estivale, tournaient pour l’instant au ralenti. Au-delà de la promenade, on apercevait les toits des nombreux complexes d’appartements, et encore plus loin les collines verdoyantes du littoral, qui seraient bientôt brunies par le soleil estival.
La route côtière, qui disséquait la ville, s’approchait en direction du sud, serpentant entre les petites collines côtières le long d’un ruisseau bordé de platanes.
Au nord, la route longeait la côte pendant plus de trois kilomètres jusqu’à un grand promontoire rocheux où les falaises se jetaient abruptement dans la mer. Près de l’extrémité du promontoire, une immense jetée en pierre s’étirait dans le Pacifique, formant une barrière protégeant la plage de San Roque et le petit port de San Miguel. À la pointe se trouvait un phare du dix-neuvième siècle qui fonctionnait toujours, un des phares originaux de Californie. Comme depuis plus de cent quinze ans, ses feux perpétuels flashaient toutes les six secondes, envoyant leur signal lumineux à la surface de l’océan vers des bateaux situés jusqu’à vingt kilomètres au large.
Au-delà du promontoire se trouvait une bande isolée de rivage déchiqueté, une des dernières bandes de terres sauvages de la côte centrale de la Californie n’appartenant pas à l’armée ou aux parcs territoriaux. Ici, plus de trente kilomètres de collines verdoyantes et de terrasses marines balayées par les vents étaient restés pratiquement vierges depuis le temps des amérindiens Chumash. Bien que le développement effréné ait envahi presque toutes les terres du sud, surtout ces dix dernières années, il n’avait pas encore posé sa patte avide sur cet endroit. La P.A.P.C. – Pacific Alliance Power Company – s’en était assuré. La société avait loué le terrain lors d’une transaction délicate avec un éleveur de bétail pour construire une centrale nucléaire, et avait depuis acquis le domaine lors d’un procès remarquable. Ce faisant, la centrale nucléaire permettait, de manière ironique, de freiner la construction hôtelière le long de la côte. Et aujourd'hui, en vertu des lois fédérales anti-intrusion cherchant à protéger les installations nucléaires, la zone était pratiquement devenue une réserve sauvage. À part les quelques troupeaux de bétail qui broutaient le long des pentes occidentales, les membres des équipes opérationnelle et de sécurité de la centrale étaient les seuls à poser le pied dans la Zone Protégée. C’était devenu un sanctuaire pour les coyotes, les otaries, les dauphins et autres créatures sauvages qui y avaient toujours prospéré.
À quelques kilomètres au sud, des phares serpentaient sur la route, longeant les méandres tortueux du ruisseau. Le véhicule dépassa le dernier virage bordé de peupliers, vira sur Front Street et puis à nouveau sur Second Street avant d’entrer dans le parking du complexe d’appartements Sea Gypsy. Le conducteur sortit du véhicule au faible son de la musique provenant de la petite maison située de l’autre côté de la rue.
À l’intérieur, les ombres des deux amants dansaient toujours sur les murs de la chambre à coucher. Jack et sa jeune compagne étaient plongés dans leurs ébats passionnés, se délectant de l’intimité physique de l’amour. C’est pourquoi ils n’entendirent pas le visiteur toquer à la porte avant qu’il ne toque une deuxième fois.
— Tu as entendu ça ? demanda alors Jack.
La jeune femme ne répondit mais, mais l’expression sur son visage montrait que oui. Jack se retourna pour vérifier l’heure sur le radioréveil. Les chiffres affichaient à présent 20:45.
Il est trop tôt, pensa-t-il. Il n’attendait personne. Son collègue n’était censé arriver que dans une heure.
Quelqu’un frappa à nouveau à la porte.
Il tendit la main pour baisser le volume de la radio.
— Il y a quelqu’un, dit-il sèchement.
Il repoussa la jeune femme sur le côté et se traîna hors du lit pour enfiler son pantalon avant d’attraper la chemise bleu clair abandonnée sur la chaise. Alors qu’il trébuchait dans le couloir en enfilant sa chemise, les coups se firent plus insistants.
— J’arrive ! J’arrive !
Sur le porche, le visiteur attendait patiemment, vêtu d’un uniforme bleu roi soigné et de chaussures noires vernies. Ses cheveux étaient méticuleusement lissés en arrière et sur son torse brillait un insigne doré, illuminé par le lampadaire.
Jack alluma la lampe du porche et ouvrit la porte, surpris de voir ce visage familier qu’il n’attendait pas.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.
Il se retourna pour regarder l’horloge de cheminée située au-dessus du bureau du salon. Ce faisant, il passa le dernier pan de sa chemise par-dessus son épaule. Exactement au même moment, le visiteur dégaina un pistolet de derrière son dos. Leva le canon rapidement, contre le torse de Jack, et avant que Jack ait pu lui faire face à nouveau, tira deux coups étouffés par un silencieux.
Pouf ! Pouf !
Jack tomba en arrière dans le salon, mort avant d’avoir touché le sol. Avançant rapidement, le visiteur entra dans la pièce, referma la porte derrière lui, se dirigea vers une table d’appoint et alluma une lampe. Il retira le silencieux du canon de son arme, le fourra dans sa poche arrière et rengaina son pistolet dans son holster. Parcourant la pièce des yeux, il s’empara d'une serviette dans une pile de lessive sur le canapé et la jeta sur le visage de Jack. Puis, s’agenouillant à côté du cadavre, il le regarda d’un air distrait. Les deux balles l’avaient touché juste sous le sternum, à moins d’un centimètre de distance. Les trous ne saignaient pas et semblaient déjà se refermer, bien que le sang s’écoulât du dos de Jack ; le visiteur pouvait déjà voir la flaque se former sur le plancher en bois.
Le visiteur fouilla la poche de chemise de Jack et ne trouva rien. Puis il le roula pour vérifier ses poches de pantalon. Il scanna la pièce du regard, cherchant partout ; la table d’appoint, l’étagère, l’armoire et le canapé. Près de la porte se trouvait une bibliothèque encombrée d’encyclopédies, de romans et de magazines – rien d’intéressant. Sur la télévision se trouvait le bric-à-brac habituel, une télécommande et quelques boîtiers de DVD. Le fauteuil présentait de même une pile d’articles divers, de lessive, quelques magazines et deux paires de baskets. Enfin, ses yeux se posèrent sur un petit bureau cylindre accolé au mur du fond. Dessus se trouvaient un petit palmier ornemental et un cléfier d’où pendaient un assortiment de babioles et de clés.
Il se précipita vers le bureau, parcourut son contenu et s’empara rapidement d’un badge d’identité avec photo auquel était clipsée une carte en plastique.
Il leva la carte vers la lumière. Elle avait à peu près la taille d’une carte de crédit ordinaire. Elle arborait le symbole familier des trois atomes volants à côté du nom Jack Garner. La lumière permettait de révéler les bandes métalliques anti-contrefaçon situées à l’intérieur. La pressant à plat contre la lampe de bureau pour qu’elle soit complètement rétroéclairée, il révéla une minuscule puce rectangulaire incrustée dans le coin inférieur droit.
Le visiteur serra fermement la carte dans sa main, et pendant un instant resta figé sur place. Il semblait satisfait de rester là à tenir la carte toute la nuit.
Puis un bruit inattendu attira son attention vers le couloir.
Une voix appela ; celle d’une jeune femme.
— Jack ?
Faisant preuve des mêmes instincts prédateurs affichés plus tôt, le visiteur dégaina son arme, pointa le canon vers le couloir et attendit en silence.
— Jack ? répéta la voix, plus proche.
De sa main libre, le visiteur glissa la carte dans la poche de sa chemise, agrippa le pistolet des deux mains, et avança lentement vers l’entrée du couloir.
Sortant de la chambre, la jeune femme pénétra dans le couloir en enfilant un peignoir. Elle s’interrompit à mi-chemin pour serrer la ceinture autour de sa taille. Puis, levant les yeux, elle aperçut la silhouette sombre à l’autre bout du couloir.
— Jack, qui est-ce ?
Le salon était mal éclairé, de sorte qu’elle ne pouvait ni voir qui c’était, ni voir l’arme pointée vers sa poitrine.
— Jack ?
Au début, il n’y eut aucune réponse. Puis le pistolet répondit bruyamment, sans les bénéfices du silencieux.
BAM ! BAM !
Un double éclair puissant et lumineux jaillit du canon. La femme tituba en arrière comme si elle avait reçu un coup de matraque dans la poitrine et tomba au sol.
Le visiteur avança dans le couloir, l’arme toujours pointée sur la femme. Il pouvait entendre un bruit en provenance de la chambre à coucher. Il enjamba soigneusement la femme, la chevauchant un instant pour observer son visage mort, puis, détournant le canon de l’arme, il entra dans la chambre. Visa dans la direction du radioréveil, comme si prêt à lui tirer dessus. Se rendant compte que ce n’était qu’une radio, il balaya rapidement de son arme l’autre côté de la chambre. Rien à signaler. Il se détendit, rengaina son arme de poing, se dirigea vers la radio et l’éteignit.
À la fenêtre, il jeta un regard dehors. Il faisait complètement noir à l’extérieur. Il n’y avait que deux lampadaires, un terrain vague à côté, et en face, peu de fenêtres étaient éclairées dans les appartements Sea Gypsy. À part le néon d’une gitane tenant une étoile de mer et le signe ‘libre’ qui clignotaient, il y avait peu de signes de vie. Il étudia la rue. Complètement vide. Il tira les rideaux.
Il retira la carte de sa poche et l’étudia à nouveau. Elle ne semblait en rien différente d’une clé d’hôtel magnétique, mais en vérité, il savait qu’elle était très différente. Elle détenait toute l’information dont il avait besoin. Il en était certain.
Il plaça la carte dans son portefeuille, en sécurité dans un compartiment latéral. Puis il sortit de la chambre à coucher, enjamba la femme morte et retourna dans le salon. Il éteignit la lampe de bureau, ainsi que la lampe du porche, et quitta la petite maison après avoir verrouillé la porte derrière lui.
Chapitre 1
Cameron Taylor dévisagea pensivement son reflet dans le miroir brisé.
Seulement vingt-huit ans et déjà brûlé comme la terre !
Pour Cameron, se faire réveiller par un réveil à 20 h 30 n’était que le début d’une autre nuit de travail. Il se coltinait le quart de nuit à la centrale nucléaire de Mal Loma depuis huit mois, et tentait toujours de s’ajuster à son horaire inversé. Après avoir répondu à une offre cherchant à embaucher des ‘intervenants armés’ pour protéger une centrale nucléaire ‘d’actes terroristes et de sabotages industriels’, il avait été enthousiasmé par les perspectives de son nouvel emploi. Mais son job s’était avéré être une routine rasante de procédures de sécurité banales et d’heures interminables passées à parader sur le macadam avec un fusil. En vérité, protéger une centrale nucléaire ‘d’actes de sabotages industriels’ était tout simplement surfait, et pas du tout à la hauteur de ses espérances.
Il fixa son reflet des yeux, nu sauf pour un boxer blanc.
Rien n’avait changé, pensa-t-il.
La petite horloge digitale pliante posée sur l’étagère sous son armoire à pharmacie affichait 21:20. À côté, le tube de dentifrice débouché était posé exactement là où il l’avait laissé la nuit dernière. Sur l’étagère voisine, négligemment abandonné et à l’envers, se trouvait son badge.
Et voici que recommence mon monde à l’envers, pensa-t-il. Pendant que le monde ‘réel’ dort, j’enfile mon armure.
Dès le début, son corps avait rejeté le changement d’horaire. Il avait tenté d’arrêter la caféine, essayé le Zolpidem, sans résultats. Il avait même acheté un CD de yoga en pensant que le bruit doux des vagues pourrait le bercer vers le sommeil. Pour certains, c’était facile. Pour Cameron, s’ajuster à un horaire de nuit semblait quasiment impossible.
Il ouvrit le robinet de la douche et se glissa sous le pommeau ; des millions de pensées lui traversèrent l’esprit, aucune agréable. En moins de cinq minutes, il se tenait à nouveau devant le miroir, cette fois tout habillé, les cheveux lissés en arrière. Il enfila son uniforme bleu roi. Sur l’épaule se trouvait un patch révélateur – l’insigne des trois atomes volants sur des orbites différentes, bordé au-dessus par le mot ‘Nucléaire’ et en arc sur le dessous par les mots ‘Service de Sécurité.’
Il ramassa son badge et le tint vers la lumière. Il ne s’était jamais imaginé le train-train abrutissant que sa vie deviendrait.
Tout avait commencé de manière assez ambitieuse tout juste huit mois plus tôt. Enthousiasmé par les perspectives de son nouvel emploi, Cameron avait été ravi d’avoir passé l’entrevue initiale. Il avait relevé le défi des tests d’agilité physique comme un écolier à une rencontre d’athlétisme.
Les prérequis comprenaient un sprint de quatre cents mètres en moins de soixante-quinze secondes, traîner un sac de sable de soixante-dix kilos sur une distance de cinquante mètres de bitume, et l’escalade d’un mur haut de trois mètres avec un faux fusil attaché à l’épaule, qu’il avait tous passés assez facilement. Ensuite, l’enquête sur son passé et le certificat de sécurité, qui l’avaient éclairé sur l’énormité du rôle. Ils voulaient connaître tous les détails de son passé, y compris l’école primaire qu’il avait fréquentée.
Ils ne rigolent vraiment pas avec ce genre de choses, avait pensé Cameron.
Il avait d’abord dû passer par la prise d’empreintes digitales – un scanner numérique d’empreintes qui transmettait directement aux bureaux du FBI à Washington et au bureau du ministère de la justice de Sacramento, révélant que Cameron était clean à part pour quelques infractions de vitesse. Ceci avait été suivi par un questionnaire de dix-huit pages sur ses antécédents, confirmé par un détecteur de mensonge et transmis au logiciel N.O.R.A. – Non-Obvious-Relationship-Awareness – un logiciel de référencement croisé de ‘nouvelle-génération’ capable de lier des membres de cellules terroristes et groupes criminels dans plus de soixante-quinze pays. Enfin était venu le MMPI – l’inventaire multiphasique de personnalité du Minnesota – qui avait été évalué, analysé et suivi par une interview avec un psychologue-conseil de pré-embauche.
C’était un mec bizarre, avait pensé Cameron, chauve avec des lunettes, l’archétype parfait du scientifique. Cameron avait anticipé des problèmes quand il avait reçu la copie de son MMPI et lu la première phrase :
A menti durant le test pour améliorer son image aux yeux de son futur employeur.
— C’est vrai ? demanda ostensiblement le psychologue.
Cameron hésita. Il en savait suffisamment sur le MMPI pour y réfléchir à deux fois avant de mentir. Il avait fait ses recherches à l’avance. Le test affirmait être capable d’identifier un alcoolique avec quatre-vingt-dix-sept pourcents d’exactitude et de détecter les principaux symptômes d’inadaptation sociale ou personnelle avec une précision prophétique, et était le principal outil de sélection utilisé par les employeurs pour les candidats à des postes à haut-risque pour la santé publique.
— Bien sûr que c’est vrai, répondit-il en fixant le document. J’ai besoin d’un boulot.
Le psychologue hocha la tête en griffonnant sur son bloc-notes.
— D’accord, dit le psychologue. Question suivante : si vous pouviez être n’importe qui au monde autre que vous-même, qui seriez-vous ?
Cameron dut y réfléchir un moment. Franchement, c’était assez étrange de se voir poser cette question par un psychologue. La première chose qui lui vint à l’esprit était que les thérapeutes étaient souvent bien plus fous que leurs clients. En plus, quel était le rapport avec son emploi dans une centrale nucléaire ?
Mais après un instant de réflexion, il se dit qu’il valait mieux lui répondre. Peut-être qu’après tout, la question avait un intérêt caché.
— Bugs Bunny, répondit-il.
— Bugs Bunny ? répéta le psychologue, méditant sur sa réponse comme un scientifique songeant à une nouvelle équation mathématique. C’est intéressant. Je n’y avais jamais pensé.
Il griffonna quelques phrases sur son bloc-notes.
Cameron eut l’air inquiet. Il n’essayait pas d’être drôle. C’était une réponse honnête.
— Et pourquoi Bugs Bunny ? demanda le psychologue.
Cameron leva les yeux vers les lattes du plafond, pensif.
— Et bien j’admire vraiment ce petit lapin rusé. On dirait que peu importe les choses terribles qui lui arrivent, ou les mauvaises situations dans lesquelles il se fourre, je veux dire, vous savez à quel point ils en ont après lui, et il trouve toujours un moyen de s’en sortir indemne, de rester imperturbable.
Le psychologue le dévisagea avec fascination et griffonna furieusement sur son bloc-notes.
Cameron pensa qu’il s’était tiré une balle dans le pied.
Malgré l’entrevue psychologique apparemment ratée, deux semaines plus tard, il avait reçu une enveloppe mince par la poste dont l’adresse de retour était la boîte postale de San Roque pour la Centrale nucléaire de Mal Loma. À l’intérieur se trouvait une lettre de cinq paragraphes lui souhaitant la bienvenue dans la ‘force de sécurité d’élite’, le félicitant d’avoir été sélectionné, et lui demandant de se présenter sans délai à l’entraînement à 8 h le mardi matin suivant, et ce dans ce qui était décrit comme ‘une tenue civile appropriée’.
Cameron était fou de joie. Après six mois de chômage, de recherche d’emploi freinée par un CV peu reluisant criblé de longues périodes sans emploi, et d’un compte bancaire presque épuisé, il était heureux d’avoir retrouvé du travail.
Et maintenant, en observant à nouveau sa réflexion dans le miroir, il avait le sentiment que tout ça avait été pour rien. Il y a une extase qui marque le summum de la vie, au-delà de laquelle la vie ne peut se relever. Il semblait que l’extase de Cameron se soit achevée à l’âge tendre de vingt-huit ans. À part l’occasionnel raton-laveur qui s’approchait du périmètre de sécurité et déclenchait le système d’alarme, la vérité était que son travail impliquait très peu d’action. Il n’avait trouvé ni l’intrigue ni la sophistication promises par l’offre d’emploi. Nuit après nuit, il besognait au même ennui. Cet emploi n’avait pas d’avenir, était un ramassis de règles et règlements bureaucratiques qui semblaient pour le moins absurdes, et était gouverné par un groupe de dirigeants d’entreprise qui se prélassaient dans leurs bureaux avec vue à San Francisco. Un optimiste né, charmé par la nature et amusé par l’humanité, il était à présent frappé par les affres de la monotonie.
Debout sous la pluie pendant des heures, un fusil à la main ; des heures passées à dévisager l’écran de surveillance montrant les mêmes images immobiles ; à répéter des manœuvres qui n’ont aucun sens et ne seront jamais nécessaires ; à regarder le temps passer sur l’horloge. C’est ça, la vie ?
Son reflet leva un sourcil douteux.
Un garde de sécurité de nuit, pensa-t-il en lissant sa cravate. Avouons-le, c’est ce que je suis !
Le seul point positif dans son existence autrement lamentable était Grace Baker, une nouvelle recrue de vingt-six ans de la centrale nucléaire avec qui Cameron avait entamé une romance accélérée. L’attraction avait été immédiate et réciproque. En trois petites semaines, ils avaient tous deux éprouvés un penchant pour l’autre comparable aux romances du vieil Hollywood. Chez Grace, Cameron avait découvert une beauté sauvage et rebelle ; le genre qui pousse les hommes à traverser les océans. Et maintenant, Cameron se retrouvait à penser plus à Grace qu’aux perspectives de trouver un autre job, ce qu’il avait franchement considéré avant que Grace n’apparaisse dans sa vie.
Grace ! Grace ! Grace !
Il inspira à fond. Allez, c’est l’heure d’aller protéger les foules.
Jetant un dernier coup d’œil au miroir, il épingla son badge sur sa poitrine, se retourna et se rendit dans la cuisine pour se préparer un sandwich, remplir le thermos de café, placer ces deux éléments dans sa gamelle et les surmonter d’une pile de chips. Puis il attrapa ses clés de voiture et se dirigea vers la porte.
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